Music : Christian ELOY – Video : Krunoslav PTICAR 2023 – duration 10’
… some blue … some sounds … some breaths … no story, only your own story with blue and breaths ! It was very nice to be completly free to compose a full electroacoustic music on this very personnal video of Krunoslav. I didn’t ask any information about the original idea or the story of this video ; I was fascinated by an aesthetic reading of this video and I wanted to make a music translating this very intimate emotion.
Commande d’état – commande mission Soutenue par la mission du Bicentenaire
Création au Grand Théâtre de Troyes en juin 1989.
Cette pièce électroacoustique a pour thème les droits de l’homme vus par des enfants du XX ème siècle. Quatre articles y sont traités selon un scénario choisi par les enfants. La réflexion, le choix et la production des séquences sonores de départ ont été menés par des enfants de quatre classes du primaire de la ville de Troyes, sous la conduite du conseiller pédagogique musical, des quatre instituteurs et de moi-même durant trois mois. La production de la bande en studio a été réalisée par mes soins avec le souci constant de respecter le plus possible les prises de sons faites avec les enfants. La dernière phase du travail consiste en la réappropriation de la bande par les enfants sous sa forme définitive et en greffant un jeu scénique, gestuel et vocal, en évitant de faire redondance avec la musique.
La pièce se divise en cinq parties :
– Introduction : renvoi aux profondeurs de l’histoire et ses violences dans la conquête des libertés, en particulier la révolution de 89, puis projection rapide jusqu’à notre siècle. – 1ère partie, traitant des libertés individuelles : des enfants fêtent un anniversaire et le bruit qu’ils font gêne le voisinage. Ils partent en revendiquant chacun leur liberté. – 2ème partie, traitant du droit de propriété : un groupe d’enfants construit une cabane dans le nature, tandis qu’un autre les regarde ; il veut ensuite s’approprier cette construction. – 3ème partie, traitant de la nécessité d’une justice égale pour tous : un drame se passe, tandis que des proches pleurent ; des marginaux (Punks), passant à proximité, sont accusés, puis désignés comme coupables. Après les lenteurs et la lourdeur, la justice, dans ses fastes, s’exprime et rappelle son rôle. – 4ème partie, traitant des libertés d’expression : les différents moyens d’espression modernes sont évoqués, des allusions aux atteintes récentes à ce droit sont faites. – Final : cette partie regroupera les participants des séquences précédentes, dans une sorte de cortège qui descendra cette rue des droits de l’homme, matérialisée sur scène par des lanternes qui s’allumeront à chaque article énoncé.
Conte musical pour Bande magnétique et Voix d’enfants
*1988*
Durée 45′
création au théâtre de Ste Savine en juin 1988 – Coproduction J.M.F. / Ecole Normale de l’Aube
A l’origine de ce conte musical le conseiller pédagogique et le professeur de musique de l’Ecole Normale de TROYES. Ceux-ci avaient lancé un projet d’Action Educative, avec cinq classes du primaire, qui avait pour objectifs : l’élaboration d’un conte par les enfants, puis la musicalisation et, enfin, la mise en forme d’un spectacle. C’est dans la phase de musicalisation qu’ils ont rencontré les premières difficultés et qu’ils ont décidé de faire appel à un compositeur ; je suis donc intervenu à partir de janvier sur une histoire déjà construite. Ils ont associé, à ce moment la délégation J.M.F. de Troyes pour coproduire une création musicale : « Le Pinceau Magique ». Devant le peu de moyens musicaux d’enfants de cet âge, j’ai opté pour la réalisation d’une bande magnétique dont le matériau de base serait la production sonore des enfants dans les situations gestuelles et corporelles de leur histoire. Après un travail de rééquilibrage et de cohésion du conte, j’ai collecté, pendant deux mois, avec un Revox et un couple de micros, le résultat de situations précises, d’événements, d’ambiances, etc… avec , à chaque fois, un travail d’écoute, puis de perfectionnement de la production sonore, ainsi que l’exploitation circonstancielle des différents paramètres musicaux qui se dégageaient des situations vécues par les enfants. Je dois dire que, durant cette période, j’ai bénéficié de la spontanéité de leur expression, de l’imagination débordante qui n’était entravée, ni par le langage, ni le support, ni la forme, et j’ai intégré plusieurs idées et productions qui n’étaient pas dans ma trame, pourtant assez précise. C’est certainement le moment privilégié pour capter la créativité de l’enfant et la développer, mais aussi un terrain pédagogique exceptionnel pour introduire une dimension plus large et vivante de la musique.
Les niveaux de ces cinq classes allaient de la maternelle au CM2 et on constate très vite que le niveau de créativité est inversement proportionnel ; toutefois les phases ultérieures du travail permettront aux plus grands d’apporter d’autres qualités .
J’ai ensuite fabriqué une bande d’environ 50 minutes en studio à partir des quelques 30 bobineaux recueillis dans ces cinq classes, avec la volonté de respecter le plus possible l’originalité et la lisibilité de leur production ; ce fut un travail essentiellement compositionnel. Quand j’ai ramené la bande un mois plus tard, et fait écouter la séquence de chaque classe, j’ai pu constater les points suivants : – surprise des enfants très modérée par ce type de musique (aucun enfant n’avait écouté de la musique électroacoustique auparavant) ; les enseignants ont eu un premier contact plus difficile, – repérage des événements et de la chronologie très rapide, – abstraction de la musique entièrement compensée par le « vécu » antérieur et l’implication personnelle, – identification des personnages ou événements par des thèmes rythmiques ou de timbre, très vite assimilée après explication, – réappropriation de la musique dans le jeu gestuel et scénique facilitée par l’apport d’éléments nouveaux tels les costumes, les décors, les éclairages, les mouvements, la mise en scène, – distance suffisante entre le jeu musical ayant servi à la production de la bande et le jeu dramatique du spectacle ; la musique fixée sur la bande devient l’un des éléments du jeu scénique et les tentations de redondance ont été minimes, – impact émotionnel et comportemental de cette aventure pour les enfants (3 représentations dans un théâtre) très fort, mesuré par les instituteurs dans la vie scolaire (dessins, textes, conversations, expositions, etc…).
Il y eut ensuite un travail vocal avec chaque groupe, puisque j’avais pris le parti de ne mettre aucun texte dans la bande, c’est un couplet et le refrain qui situaient à chaque fois l’action. Le principe de la construction musicale, basé sur une géométrie simple des hauteurs, a été expliqué et facilement compris par les enfants. Un synthétiseur aidait aux départs et la bande était interrompue durant cette intervention.
Il y a eu 5 répétitions générales au théâtre dans la semaine du concert, avec un service de ramassage (cinq écoles différentes). Des parents et des enseignants se sont occupés des décors et accessoires et le technicien pour la lumière a assisté à toutes les répétitions.
Deux séances pour les scolaires ont amené environ 1600 élèves de Troyes et le samedi soir était consacré à la création du « Pinceau Magique » avec une salle pleine de 800 personnes dans le cadre du « Printemps Musical » de Sainte Savine.
De cette action musicale et pédagogique qui s’est déroulée sur six mois, à raison d’une journée et demie par semaine à Troyes, plus le travail en studio, je tire les conclusions suivantes : – le compositeur est un intervenant très bien reçu par les enfants dans la mesure où il impulse leur imagination et leur créativité, assez peu sollicitées par ailleurs, qu’il utilise un langage très peu codé qui joue de la sensibilité, qu’il intègre une démarche d’échange créatif avec les enfants de tous âges, et, qu’il maîtrise les équilibres et les formes.
Cette opération aurait été impossible à réaliser sans un appui logistique solide ; l’Ecole Normale me semble une structure répondant à ce besoin, sauf au plan financier ; son autonomie, ses moyens matériels et financiers sont très limités – nécessité d’une équipe d’enseignants motivés, qui adhère au projet avec toutes ses contraintes et qui assure le relais avec le compositeur, – ambition avouée et partagée de la finalité du projet : une création à part entière avec un minimum de concessions. La pédagogie est le moyen, mais pas une fin dans le type de cette démarche ; l’instituteur reste celui qui exploitera le mieux cet apport extérieur.
Le CD et la partition sont disponibles chez le compositeur
Le pinceau magique est au catalogue des opéras pour enfants de l’IPMC
Opéra pour enfants sur un livret de Jean Claude Bellanger
*1987*
Durée 50′
Commande de l’APEC de CAEN pour le 900 ème anniversaire de la mort de Guillaume le Conquérant
Création au château de Falaise le 23 juillet 1987
Le sujet de l’opéra est l’enfance de Guillaume le Conquérent au sein de sa famille.
INDICATIONS GENERALES ET NOMENCLATURE
NIVEAU DES EXECUTANTS :
Cette oeuvre au langage contemporain, prend en compte les niveaux et les instruments couramment pratiqués dans les Ecoles Municipales et Nationales de Musique. Les parties d’orchestre et chanteurs solistes sont de niveau élémentaire ou moyen pour ces établissements. Les parties choeur pourront intégrer jusqu’au niveau formation musicale, il s’agit souvent de simples jeux vocaux.
EFFECTIFS : Orchestre, solistes et choeur confondus : environ 100 exécutants pouvant aller jusque 250 en étoffant principalement les choeurs.
CHOEUR : 2 parties avec un léger décalage de tessiture ( filles, garçons ) Entre 50 et 60 enfants pour le choeur proprement dit, les solistes réintégreront le choeur lorsque leurs interventions seront terminées.
SOLISTES : 4 personnages : GUILLAUME, TALVAS, ARLETTE, ROBERT. Chaque partie soliste, ou personnage, peut être chantée par un petit groupe de 3 ou 4 chanteurs qui se détachera du choeur avant son intervention, et reprendra sa place ensuite.
ORCHESTRE : 2 Flûtes en ut – 8 Violons I 1 Hautbois – 6 Violons II 2 Clarinettes Si – 4 Violons Alto 1 Saxophone Alto – 6 Violoncelles 1 Trompette en Ut 1 Piano 1 Synthétiseur DX7 Yamaha
Il est indispensable de bien situer le contexte historique aux enfants afin de les faire « entrer » dans l’action et le texte. Le spectacle peut être valorisé de façon significative par un travail sur la mise en scène, les déplacements des personnages, les costumes, les éclairages, etc..un professeur d’Expression Corporelle interviendra utilement. Toutefois, « Les enfances Guillaume » peuvent aussi être représentées sous la forme de l’Oratorio, statique et sans mise en scène importante.
Création à l’Auditorium M. RAVEL de Lyon le 18 Mars 1989
Cette pièce, pour orchestre et choeurs à gros effectifs, est destinée aux conservatoires ou écoles de musique ayant un bon niveau instrumental et vocal. Le temps de préparation est assez important et cette pièce ne peut se monter que dans le cadre d’une opération bien programmée.
Le livret comprend dix textes qui se présentent comme le voyage dans le temps d’un groupe d’enfants, doublé d’une chasse au trésor, à la recherche d’un possible recours et de l’espoir, par rapport à la violence qui les entoure.
L’auteur, dans son prologue, dit : « On peut écrire, pour les enfants, une oeuvre grave et forte, qui ne leur cache pas les questions essentielles… que des citoyens de l’an deux-mil y réfléchissent à l’occasion d’une création lyrique me semble être une façon vivifiante de célébrer le bicentenaire de 89… il chante l’Histoire comme énergie vivante… la longue chaîne d’hommes qui nous unit au passé… »
Cette oeuvre, de 45 minutes, dépasse très largement l’évènement ponctuel de la célébration du bicentenaire par l’envergure et la densité musicale et dramatique.
Elle permet à un conservatoire de faire participer tous ses effectifs, allant des plus jeunes dans les choeurs d’enfants jusqu’aux éléments les plus avancés dans l’orchestre y compris certains professeurs, ainsi qu’une chorale d’adultes, comme il en gravite souvent autour des conservatoires, dans une oeuvre unique et intense.
La présence d’un chef de choeur s’est avérée utile et une bonne solution pour gérer la masse importante des chanteurs, lors de la création.
La facture et le propos de cette pièce permettent une mise en scène et un travail de lumière et de déplacements qui ne feront qu’ajouter à la dramaturgie du spectacle.
Le matériel complet est disponible chez le compositeur ; l’enregistrement et la vidéo sont au Centre de Documentation de la Musique Contemporaine.
dédiée à Ying-Chien Wang, joueuse de ehru de grand talent
Commande de International Taiwan Music Festival
création le 17 avril 2017 au Forum Musique à Taipei
Fold-in est une pièce acousmatique dont les sons proviennent intégralement de cet instrument très populaire en Asie, appelé parfois violon chinois : l’erhu. Lors des prises de son, quelques caractères de cet instrument se sont immédiatement imposés: un grain de son très présent, une forte énergie, un timbre très marqué, le sustain de l’archet très long et très dense, un registre de nuances large et des modes de jeu très variés. Le revers de ce fort caractère est que nous avons là une instrument très identifiable, parfois connoté, dont les gènes transparaissent dans toutes les manipulations.
Le fold-in (pliage), fait référence aux techniques utilisées en littérature, avec les permutations, par William S. Burroughs et Brian Gysin dans les années 1950/60 dont l’ouvrage The Third Mind réunit ces diverses expériences. Ces techniques font évidemment penser aux techniques de montage de la musique concrète naissante puis de l’électroacoustique avec l’élaboration d’un vrai langage issu de ces manipulations élémentaires ; on pensera aussi à ces diverses expériences d’œuvres collectives et de cadavres exquis pratiquées dans les années 60 par les studios expérimentaux français. J’ai donc retenu ces caractères forts de l’erhu (grain du son, sostenuto, timbre, pizzicato, etc.) en gardant les morphologies, les allures et autres critères Schaefferiens, pour ensuite construire le discours dans une relative simplicité de montage et de mixage, y compris ces procédés semblables au pliage.
Création le 21 mars 2013 Concert SCRIME, salle de l’Agora à Talence
Une promenade, un jour d’été, une fin d’après midi, dans les vestiges d’une ville gallo-romaine, les jardins de Cybèle … impressions diffuses, à la fois lieu sacré et sanctuaire …. mais aussi des bouffées de la ville proche. Lieu à part, allégorie du spirituel et du matérialisme, dualité entre esprit et mouvement._Cybèle, en grec ancien Kybélê signifiant « gardienne des savoirs » c’est une divinité d’origine phrygienne, personnifiant la nature sauvage. Cybèle est sans doute l’une des plus grandes déesses de l’Antiquité au Proche-Orient. C’est aussi la déesse de la fécondité, pourquoi pas la fécondité créatrice des arts ?_Baudelaire la citera à deux reprises dans « Les Fleurs du mal » : « Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures » puis dans « J’aime le souvenir de ces époques nues ».
sur support magnétique analogique 38cm/sec – fichier numérique
* 2009 *
Durée 12′
« remembrance » peut être compris comme la simple traduction anglaise de « souvenir », mais c’est aussi un vieux mot français, certes peu employé actuellement (Jean de la Fontaine l’utilisera encore), il est le synonyme de « souvenance » un peu plus usité.
J’aime ces mots qui se sont enrichis de leurs aller-retours parfois compliqués entre plusieurs pays, depuis la racine latine faisant référence à la mémoire, justement, jusqu’à donner le mot anglais « remember » et rester dans la pénombre de l’oubli en français.
Ce mot correspond bien à un état d’esprit personnel, mais c’est aussi un clin d’œil adressé à la mémoire en diffusant cette pièce composée d’extraits des années 80 sur un magnétophone Revox (un vrai, pas un virtuel !), accompagnée des bruits familiers à ces machines (claquement du relais de démarrage et d’arrêt, frottements de la bande magnétique sur les plateaux, etc). Ces extraits proviennent d’une pièce qui traitait déjà des rapports et des décalages entre machinisme et humanité.
Le contraste avec les musiques numériques, utilisant des technologies très récentes peut parfois produire un véritable choc lorsqu’elles sont diffusées dans un même concert.?
création le 2 avril 2008 au Festival Syntax 7.2 à Perpignan
Le bollard est le système coulissant verticalement sur lequel s’amarrent les bateaux dans une écluse, il émet des sons discontinus et aléatoires pendant toute la descente des eaux de l’écluse, il y en a une douzaine qui « chantent » ainsi dans cette gigantesque cathédrale sonore. C’est ce film sonore du passage d’une écluse sur le Rhône . L’eau peut être le support de toute une vie et d’une activité humaine intense pleine de sons étranges pour les « terriens » ; la navigation fluviale où l’environnement sonore est tout en fluidité peut aussi générer des chocs plus ou moins violents car l’eau est mouvante, percutante et très dure parfois. C’est donc l’eau entendue depuis un bateau qui franchit une de ces immenses écluses sur le Rhône où tout est très amplifié et prend une ampleur grandiose.
Ce titre emprunté à Erich Auerbach, écrivain et critique littéraire allemand mort en 1957, place tout de suite le propos sur le plan de la représentation de la réalité dans l’esthétique musicale occidentale.
La musique électroacoustique a cette faculté, lorsqu’elle utilise des sons dits concrets (avec toute l’ambiguïté liée à ce mot), de nous placer dans un réalisme immédiat que chacun va replacer vis à vis de ses repères et ses référents intimes ; ce sont ces notions profondes de sublimitas et de d’humilitas qui se confondent et s’unissent l’une à l’autre dans l’expression musicale.
J’ai choisi l’écriture en huit canaux et ces prises de sons sur le bord d’une route, pour l’aspect particulièrement dynamique de ces sons avec un effet Doppler très accentué qui imprime et impose immédiatement le mouvement dans l’espace fini de la diffusion octophonique.
C’est à chaque auditeur de décrypter ses propres signes d’un univers mental collectif, à travers une telle réalisation artistique, telle cette cicatrice par laquelle Ulysse fut reconnu de son ancienne servante.
pour support seul Commande de l’IMEB *2005* Durée 16′
L’ellipse, à la fois terme scientifique et littéraire, ce qui est déjà une particularité, terme de géométrie, d’astronomie, de colorimétrie, c’est aussi une définition en littérature, en poésie, en rhétorique ; le terme même est déjà une métaphore. Autre particularité : en géométrie, c’est une forme fermée et finie, les trois grands types d’ellipse étant : l’ hyperbole, la parabole et le cercle qui n’est qu’un cas particulier de l’ellipse. Toutes les formes d’expression et les différents supports y ont recours pour éviter des redondances trop évidentes, et plus souvent encore, pour renforcer l’impact de la narration ou du récit. Pour le cinéma, art de support lui aussi, c’est une figure narrative largement utilisée en supprimant du récit un certain nombre d’éléments perçus comme répétitifs, faisant partie du déroulement logique de la fiction, mais jugés inessentiels à sa compréhension ; le montage est alors déterminant pour l’efficacité de l’ellipse ; celle-ci et la pause sont les cas limites de la durée d’un récit. La musique utilise un grand nombre de ces principes de narration, elle est soumise aux mêmes critères d’économie de temps, d’efficacité narrative, et de poïétisation. Il y a donc là pour moi une belle métaphore qui va de cette forme fermée jusqu’au déroulement du discours musical dans sa perception temporelle, même si la définition du mot grec évoque le « manque » !
commande d’état création le 14 mars 2004 Multiphonies – Maison de Radio France
A Aurélie
Nous rencontrons de nos jours encore les problématiques de Platon et surtout d’Aristote, posées voici bientôt 2500 ans, à propos de la nature de l’art et du rôle du créateur dans la Cité.
La création artistique (poièsis) est, selon Aristote, non pas seulement récit (diègèsis), mais « imitation » (mimèsis), permettant la purification (catharsis).
Par mimésis il faut entendre, non un simple décalque de la réalité, mais une sorte de re-création de cette « énergeia » qui constitue la vie.
Depuis le XIXe siècle, la photo d’abord, puis le cinéma et les médias – omniprésents au XXe siècle, qui nous abreuvent d’images et de représentations de toutes sortes -, tendent à rendre illégitimes les prétentions mimétiques de la peinture, voire de la musique. Le XXe siècle voit apparaître ces peintres qui refusent toute relation entre l’œuvre et le réel, dans les divers courants de l’abstraction, avec d’ailleurs une résurgence obstinée de la revendication de ‘l’art pour l’art’.
C’est cette réflexion et sa confrontation avec la musique au XXIe siècle, qui constituent ici mon point de départ. Cette oeuvre utilise en effet aussi bien des sons d’ « imitation » tirant leur valeur esthétique de la « réalité du monde » et des sons « images de création », qui re-créent l’énergie et les actes signifiants de la vie.
Mais reprenons l’opposition aristotélicienne entre mimèsis et diègèsis, reprise par la critique anglo-saxonne, qui oppose to show et to tell : mon œuvre est aussi un discours, qui évolue tel un périple et une odyssée parfois, dans l’historique de la mémoire, faite de relations, d’interactions, de rapports, de comparaisons, d’imitations, d’exemplifications, de sens re-créé, de vie.
Me refusant à louvoyer entre ces deux concepts, j’ai résolument privilégié « le rendu de l’impression reçue, dans une combinaison nouvelle » (Paul Klee).
La musique acousmatique dans son ambiguïté fondamentale et atavique, d’image et de réalité à la fois, de signifiant et d’abstrait entremêlés, s’est imposée à moi comme le langage adéquat pour tenter cette thématique délicate.
Musique acousmatique 18′ ( version courte 12′ ) – 2002
création le 23 mai 2002 à la Halle des Chartrons à Bordeaux
Le terme d’orphisme a été proposé par le poète Guillaume Apollinaire, lors de la publication de ses Méditations esthétiques en 1912, pour caractériser certains aspects de la peinture d’avant-garde. Apollinaire cite cinq peintres orphiques : Picasso, Delaunay, Léger, Picabia, Duchamp.
Or, cette pièce est la re-lecture (et la réécriture) d’une pièce réalisée en 1983 en hommage au peintre Fernand Léger : Eléments mécaniques.
Cette pièce me paraissait assez marquée par les techniques très « analogiques » de l’époque, j’ai donc essayé, avec les moyens numériques et un discours resserré, d’exposer dans un mode nouveau, ce concept de l’élément mécanique dans le monde sonore, comme l’avait fait Fernand Léger dans celui de la peinture.
Musique pour la mise en lumière de la Base Sous-marine de Bordeaux
La mise en lumière de la base sous-marine de Bordeaux, haut-lieu chargé d’histoire et d’émotion dans la mémoire bordelaise, est accompagnée par une musique originale de Christian Eloy et Edgar Nicouleau ;
elle apporte la dimension et l’approche sensible et évocatrice de cette circonstance particulière.
Seule, une création artistique et une lecture contemporaine du passé peut régénérer celui-ci pour en faire un élément positif du présent et du futur.
Le thème très contemporain, presque d’actualité, retenu par les compositeurs est celui du mélange et du brassage des cultures, celui aussi du voyage sonore sur notre terre devenue si petite quand elle le veut, mais si grande quand l’homme la chante.
Le langage de la musique électroacoustique se prête merveilleusement bien à ces évocations et ces fresques imagées, il permet ces voyages dans le temps et l’espace dont nous avons besoin pour renouer les fils ténus de nos racines .
Les contraintes techniques d’un tel lieu sont prises en compte et le dispositif de diffusion doit être à la hauteur du site exceptionnel.
Musica mundana est une musique de mélange, de fusion, de racines, qui privilégie la vocalité comme mode d’expression fondamentale.
Je n’aurais certainement pas composé cette pièce il y a quelques années, j’aurais exercé une forme d’autocensure sur ces assemblages hétéroclites qu’aujourd’hui j’ai pu marier dans un vaste melting pot, reflet de notre environnement quotidien.
La trace émotionnelle que l’on trouve nécessairement dans toute émission vocale, m’a permis d’inscrire une dimension expressive que je revendique dans cette musique.
Attaché à faire un véritable travail d’harmonisation de musiques et voix très différentes par leurs origines et leurs styles, j’ai souvent été surpris par les possibilités multiples d’accorder ces musiques liturgiques, traditionnelles, contemporaines, de synthèse, telles des alliages de métaux, une véritable alchimie.
Merci à Irène Jarsky pour l’emprunt temporaire de sa voix.